Expérience de mort imminente chez des survivants à un arrêt cardiaque : une étude prospective aux Pays-Bas Pim van Lommel, Ruud van Wees, Vincent Meyers, Ingrid Elfferich
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Département de Cardiologie, Hospital Rijnstate, Arnhem, Netherlands (P van Lommel MD); Tilburg, Netherlands (R van Wees PhD); Nijmegen, Netherlands (V Meyers PhD); and Capelle a/d Ijssel, Netherlands (I Elfferich PhD)


Contacts: Dr Pim van Lommel, Division of Cardiology, Hospital Rijnstate, PO Box 9555, 6800 TA Arnhem, Netherlands   (e-mail:pimvanlommel@wanadoo.nl)

Résumé

Contexte

Certaines personnes témoignent d’une expérience de mort imminente après un état critique mettant leur vie en danger. Le but de notre étude est d’établir la cause de cette expérience et d’évaluer les facteurs qui influencent la fréquence, la profondeur et le contenu de cette expérience.

Méthodologie

Dans une étude prospective, nous avons inclus 344 patients qui ont été réanimés avec succès à la suite d’un arrêt cardiaque, dans 10 hôpitaux hollandais. Nous avons comparé les données démographiques, médicales, pharmacologiques et psychologiques des patients qui ont témoigné d’une NDE et de ceux qui n’en n’ont pas témoigné après qu’ils aient été réanimés. Nous avons ensuite procédé, à travers une étude longitudinale, à une comparaison des modifications dans la vie des patients, suite à une NDE ; nous avons comparé les groupes en les suivant durant 2 à 8 années.

Résultats

62 patients (18%) ont témoigné d’une NDE, parmi lesquels 41 (12%) ont décrit une experience classique. L’apparition de l’expérience n’avait pas de lien avec la durée de l’arrêt cardiaque ou de celle de l’état d’inconscience, ni avec le traitement médical ou la peur de la mort avant l’arrêt cardiaque. La fréquence des NDE était affectée par la manière dont nous définissons les NDE, la nature prospective de la recherche chez des patients cardiaques plus âgés, l’âge, le fait d’avoir survécu à un arrêt cardiaque lors d’un premier infarctus du myocarde ou encore une première réanimation cardio-pulmonaire (CPR) lors d’un séjour à l’hôpital, une NDE antérieure, et des problèmes de mémoire après un CPR prolongé. La profondeur de l’expérience était affectée par le sexe, le fait d’avoir survécu par une réanimation CPR en dehors de l’hôpital, et la peur  éprouvée avant l’arrêt cardiaque. De manière significative, la plupart des patients qui ont eu une NDE et particulièrement ceux qui ont eu une expérience profonde, sont morts dans les 30 jours qui ont suivi une CPR (p<0.0001). Le processus de transformation après une NDE a pris plusieurs années et était différent de celui des patients qui ont survécu à un arrêt cardiaque sans avoir vécu de NDE.

 
Interprétation

Bien que l’âge semble entrer en ligne de compte, nous ne savons pas pourquoi si peu de patients cardiaques témoignent d’une NDE après une réanimation cardio-pulmonaire (CPR). Avec une explication purement physiologique, telle qu’une anoxie cérébrale, la plupart des patients qui ont été cliniquement morts devraient témoigner de cette expérience.

Lancet 2001; 358: 2039-45

Introduction

Certaines personnes qui ont survécu à un état critique mettant leur vie en danger, témoignent d’une expérience extraordinaire. L’expérience de mort imminente se produit avec une fréquence croissante, grâce au taux de survie largement augmenté par les techniques modernes de réanimation. Le contenu de la NDE et les effets sur les patients semblent similaires à travers le monde, à travers les cultures et le temps. La nature subjective et l’absence d’une trame de référence pour cette expérience conduit à des facteurs individuels, culturels et religieux déterminant le vocabulaire utilisé pour décrire et interpréter l’expérience.1

Les NDE sont rapportées dans plusieurs circonstances : arrêt cardiaque dans des infarctus du myocarde (mort clinique), choc lors d’une hémorragie ou lors de complications péri-opératoires, choc anaphylactique ou lié à une septicémie, électrocution, coma résultant de dégâts de nature traumatique au cerveau, hémorragie intra-cérébrale ou infarctus cérébral, tentative de suicide, noyade ou asphyxie ou encore apnée. De telles expériences sont également rapportées par des patients atteints de maladies graves mais qui ne mettent pas immédiatement leur vie en danger comme les dépressions sévères, ou bien, sans raison apparente, par des personnes pleinement conscientes. Des expériences similaires à une mort imminente peuvent apparaître chez les maladies en phase terminale et sont appelées « visions de lit de mort ». Des expériences identiques aux NDE, appelées expériences de peur de la mort sont très souvent rapportées suite à des situations au cours desquelles la mort semble inévitable : accidents de la route graves, accidents de montagne, ou l’isolement subi lors de naufrages.

Plusieurs théories sur les origines des NDE ont été avancées. Certains pensent que l’expérience est provoquée par des changements physiologiques dans le cerveau, telle que la mort de cellules du cerveau résultant d’une anoxie cérébrale2,4. D’autres théories englobent une réaction psychologique à l’approche de la mort5, ou la combinaison d’une telle réaction et d’une anoxie6. De telles expériences pourraient aussi être liées à un changement d’état de la conscience (transcendance), au cours duquel la perception, la fonction cognitive, l’émotion et le sens de l’identité fonctionnent indépendamment d’une conscience normale liée au corps physique7. Les personnes qui ont eu une NDE sont psychologiquement en bonne santé, bien que certaines montrent des signes non-pathologiques de dissociation7. De telles personnes ne présentent pas de différence sur les plans de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique, de la religion ou encore du degré de croyance religieuse.1

Les études sur les NDE1,3,8,9 ont été retrospectives et très sélectives par respect des patients. Dans les études rétrospectives, 5 à 10 années peuvent s’écouler entre le moment où l’expérience se déroule et son étude, ce qui empêche souvent une évaluation précise des facteurs physiologiques et pharmacologiques. Dans certaines études rétrospectives, on estimait qu’entre 43%8 et 48%1 des adultes et jusqu’à 85% des enfants10 qui ont eu une maladie mortelle, avaient eu une NDE. Une enquête aléatoire portent sur plus de 2000 allemands a montré que 4.3% avaient eu une NDE à un âge moyen de 22 ans11. Les différences dans l’estimation de la fréquence et de l’incertitude sur les origines de l’expérience résultent des définitions variées du phénomène et des méthodes de recherche inadaptées12. Les processus de transformation des patients après une NDE sont très similaires1,3,13-16 et englobent un début de changement de vie, une intuition accentuée et la disparition de toute crainte devant la mort. On pense que l’assimilation et l’acceptation de ces changements peuvent prendre au moins plusieurs années.

Nous avons réalisé une étude prospective pour calculer la fréquence des NDE chez les patients ayant subi un arrêt cardiaque (une situation médicale objectivement critique) et établir les facteurs qui affectent la fréquence, le contenu et la profondeur de l’expérience. Nous avons également réalisé une étude longitudinale pour évaluer l’effet du temps, de la mémoire, et des mécanismes de suppression sur le processus de transformation après avoir vécu une NDE, dans le but de confirmer le contenu et  de permettre des études complémentaires sur ces expériences. Nous avons aussi proposé de ré-évaluer les théories sur l’origine et le contenu des NDE.


M
éthode

Patients

Nous avons inclus des patients qui ont été réanimés avec succès dans des unités de soins coronaires dans 10 hôpitaux hollandaise durant une période de recherche variant, selon les hôpitaux entre 4 mois à presque 4 années (1988-92). La période de recherche variait à cause de l’exigence de prendre en compte tous les cas de patients qui avaient subi une réanimation réussie suite à un problème cardiopulmonaire. Si cette règle n’était pas respectée, nous arrêtions la recherche dans cet hôpital. Tous les patients ont été cliniquement morts, ce que nous avons établi principalement par les enregistrements d’électrocardiogrammes. Tous les patients ont donné leur consentement par écrit. Nous avons également obtenu l’agrément du comité d’éthique.

Procédure

Nous avons défini les NDE comme étant le souvenir rapporté par les malades, de toutes les impressions d’un état particulier de la conscience, incluant des éléments spécifiques tels que l’expérience de sortie du corps, sensations agréables, la vision d’un tunnel, d’une lumière, proches décédés ou une revue de vie. Nous avons défini la mort clinique comme une période d’inconscience provoquée par une irrigation sanguine du cerveau insuffisante à cause d’une circulation sanguine inadaptée, d’une insuffisance respiratoire ou les deux de manière simultanée. Si dans cette situation, la réanimation (CPR) n’est pas commencée dans les 5-10 minutes, des dégâts irréparables apparaissent au cerveau et le patient mourra.

Nous avons réalisé une courte interview standard auprès des patients qui avaient suffisamment récupéré, quelques jours après leur réanimation. Nous leur avons demandé s’ils se souvenaient de leur période d’inconscience et ce dont ils se souvenaient plus précisément. Trois chercheurs ont codé cette expérience en créant un système de pondération1. Dans ce système d’évaluation, la profondeur de la NDE est évaluée en fonction de coefficients de pondération associés à chaque composante de l’expérience. Des résultats entre 1 et 5 dénotent une NDE superficielle mais nous avons inclus ces événements car tous les patients ayant vécu ce type d’expérience ont également été transformés. Des scores de 6 ou plus dénotent d’une expérience générale de NDE et des scores de 10 ou plus dénotent d’expériences profondes. Nous avons également enregistré la date de l’arrêt cardiaque, la date de l’interview, le sexe, l’âge, la religion, le type d’éducation reçue, si le patient avait déjà précédemment eu des expériences de NDE, avait déjà précédemment entendu parlé de NDE, si la réanimation cardio-pulmonaire avait eu lieu dans ou hors d’un hôpital, si le patient avait déjà eu un infarctus du myocarde et enfin, combien de fois le patient avait été réanimé pendant son séjour à l’hôpital. Nous estimé la durée de l’arrêt de la circulation et de l’inconscience et nous avons noté si une respiration artificielle par intubation avait été mise en place. Nous avons aussi enregistré le type et les doses de médicaments pris avant, pendant et après la crise, et avons estimé, lors de l’interview, les problèmes de mémoire potentiels après une réanimation longue et difficile. Nous avons classé séparément les patients réanimés durant une stimulation électro-physiologique.

Nous avons réalisé et enregistré des interviews standards auprès des participants, en moyenne 2 années après la réanimation cardio-pulmonaire (CPR). Les patients faisaient un état sur les changements observés dans leur vie 16. Le questionnaire abordait des questions liées à leur propre image, à l’intérêt porté aux autres, au matérialisme et  aux questions sociales, à la croyance religieuse et à la spiritualité, ainsi qu’à l’attitude envers la mort. Les participants ont répondu à 34 questions pondérées sur  une échelle à 5 points indiquant si et à quel degré ils avaient changé. Après 8 années, les patients survivants et leurs compagnons étaient interviewés à nouveau sur les changements dans leur vie et remplissaient également un questionnaire médical et psychologique destiné aux patients cardiaques (de la fondation hollandaise du cœur) permettant d’évaluer leur sens de cohésion et de de les positionner sur une échelle évaluant le risque de dépression. Ces questionnaires supplémentaires étaient jugés nécessaires pour une analyse qualitative à cause du nombre de personnes interrogées qui diminuait au bout des 8 années de suivi. Notre groupe de contrôle comprenait des patients réanimés qui n’ont pas témoigné de NDE.  Nous avons mis en parallèle le groupe de contrôle avec des patients qui avaient vécu une NDE en les classant par âge, sexe et intervalle de temps entre la réanimation et les seconde et troisième interviews.

Analyse statistique

Nous avons analysé les facteurs à l’origine des NDE par les tests du X2 de Pearson et le test du t pour les facteurs d’égale importance. Les facteurs affectant la profondeur de la NDE étaient analysés avec le test de Mann-Whitney pour les facteurs catégoriques et avec le coefficient de rang de corrélation pour les facteurs d’égale importance. Les liens entre les NDE et les resultants obtenus aux questions portent sur les changements observés dans la vie des patients étaient évalués avec le test de Mann-Whitney. Les sommes des scores individuels étaient utilisés pour comparer les réponses sur les changements de vie entre le deuxième et troisième interview. Parce que peu de causes ou de relations existent pour les NDE, les hypothèses nulles sont l’absence de facteurs. A partir de là, tous les tests ont été réalisés de manière bilatérale et avec un indice de signification donné par les valeurs de p inférieures à 0.05.

Résultats

Patients

Nous avons inclus 344 patient qui, au total, ont subi 509 réanimations avec succès. La moyenne d’âge lors de la réanimation était de 62.2 années, avec une variation allant de 26 à 92 années. 251 patients étaient des hommes (73%) et 93 étaient des femmes (27%). Les femmes étaient, de manière significative, plus âgées que les hommes (66 vs 61 ans, p=0.005). Le ratio hommes/femmes était de 57/43 pour les âgés de plus de 70 ans, alors qu’il était de 80/20 pour les plus jeunes. 14 (4%) patients ont eu une NDE antérieure. Nous avons interviewé 248 (74%) patients dans les 5 jours qui ont suivi la réanimation cardio-pulmonaire (CPR). Beaucoup trop de questions démographiques issues de la première interview étaient restées sans réponse pour une analyse statistique fiable, aussi on a utilisé les données de la seconde interview. Sur les 74 patients que nous avons interrogés après 2 ans, 42 (57%) avait déjà entendu parlé de NDE, 53 (72%) avaient un profil religieux, 25 (34%) ont arrêté leurs études à l’âge de 12 ans, et 49 (66%) sont allés à l’école au moins jusqu’à 16 ans.

296 (86%) des 344 patients avaient eu un premier infarctus du myocarde et 48 (14%) ont subi plus d’un infarctus. Presque tous les patients avec un infarctus du myocarde aigu ont été traités avec du fentanyl, à base d’opium, avec du thalamonal, une préparation combinée de fentanyl avec du déhydrobenzperidol qui a un effet sédatif ou antipsychotique, ou les deux. 45 (13%) patients ont également reçu des drogues comme la diazépame ou l’oxazépame et on a donné, à 38 d’entre eux (11%) des sédatifs puissants comme la midazolam (pour l’intubation) ou l’halopéridol pour le repos cérébral pendant ou après une longue période d’inconscience.

234 (68%) patients ont été réanimés avec succès en hôpital. 190 (81%) ont été réanimés dans les 2 minutes qui ont suivi l’arrêt circulatoire et la durée de l’inconscience a été inférieure à 5 minutes pour 187 d’entre eux (80%). 30 patients ont été réanimés pendant une stimulation électro-physiologique ; tous ces patients ont subi moins d’une minute d’arrêt de la circulation sanguine et moins de 2 minutes d’inconscience. A ce groupe, il a seulement été donné 5 mg de diazepam environ 1 heure avant la stimulation électro-physiologique.

101 (29%) patients ont survécu à un problème cardio-pulmonaire avant d’arriver à l’hôpital, et 9 (3%) ont été réanimés à la fois hors milieu hospitalier et à l’hôpital. Sur ces 110 patients, 88 (80%) ont eu un arrêt circulatoire supérieur à 2 minutes, et 62 (56%) ont été inconscients pendant plus de 10 minutes. Toutes les personnes ayant eu un bref arrêt cardiaque et qui ont été réanimées en dehors de l’hôpital l’ont été dans une ambulance. Seulement 12 (9%) patients ont survécu à un arrêt circulatoire qui a duré plus de 10 minutes. 36 % (123) de tous ces patients ont été inconscients pendant plus de 60 minutes, 37 de ces patients ont eu besoin de respiration artificielle par intubation. Les patients intubés ont reçu de fortes doses de sédatifs et ont été interrogés plus tardivement que les autres patients ; la plupart étaient encore dans une condition physique fragile au moment de la première interview et 24 ont montré des trous de mémoire. De manière significative, les patients plus jeunes survivent mieux que les plus âgés à une inconscience de longue durée suite à une réanimation cardio-pulmonaire difficile (CPR) (p=0.005).

62 (18%) patients ont rapporté des souvenirs de la période de mort clinique (tableau 1). Sur ces patients 21 (6% du total) ont eu une NDE superficielle et 41 (12%) ont eu une expérience classique. 23 membres de ce groupe (7 % du total) ont témoigné d’une NDE profonde ou très profonde. Donc, sur 509 réanimations, 12% ont engendré une NDE dont 8% furent des expériences classiques. Le tableau 2 montre la fréquence de 10 composantes de NDE1. Aucun patient n’a témoigné de NDE pénible ou effrayante.

Tableau 1:

Répartition des 344 patient dans 5 classes WCEI

 

 

WCEI score*

N

A

Aucune mémoire

0

282

(82%)

B

Des souvenirs

1-5

21

(6%)

C

NDE modérément profonde

6-9

18

(5%)

D

NDE profonde

10-14

17

(5%)

E

NDE très profonde

15-19

6

(2%)

 

WCEI = Weighted Core Experience Index : Pondération des expériences

NDE = Near-Death Experience : expérience de mort imminente

*A = no NDE : absence de NDE,

B = superficial NDE : NDE superficielle

C/D/E = core NDE : NDE

Tableau 2:

Fréquence des 10 composantes de la NDE

 

Composantes de la NDE1

Fréquence (n=62)

1

conscience d’être mort

31

(50%)

2

émotions positives

35

(56%)

3

expérience de sortie du corps

15

(24%)

4

déplacement à travers un tunnel

19

(31%)

5

communication avec la lumière

14

(23%)

6

observation de couleurs

14

(23%)

7

observations d’un paysage céleste

18

(29%)

8

rencontre avec des personnes décédées

20

(32%)

9

revue de vie

8

(13%)

10

présence d’une frontière

5

(8%)

Durant la phase pilote de l’étude, dans l’un des hôpitaux, une infirmière d’une unité de soins coronaires témoigna d’une véridique expérience de sortie du corps chez l’un de ses patients réanimés :

“Au cours d’une garde de nuit, une ambulance amène un homme de 44ans, comateux et cyanotique à l’unité de soins coronaires. Il avait été trouvé environ une heure plus tôt par des passants dans un pré. Après l’admission, il est mis sous respiration artificielle sans intubation, en même qu’il recevait des massages cardiaques et qu’on réalisait une défibrillation. Quand nous avons voulu l’intuber, il perdit son dentier tombé dans sa bouche. J’ai enlevé ce dentier supérieur et l’ai déposé sur une tablette roulante. Pendant ce temps, nous poursuivions la réanimation. Après environ une heure et demi, le patient avait suffisamment de rythme cardiaque et de pression sanguine, mais il était encore ventilé et intubé, et il était toujours dans le coma. Il fut transféré à l’unité de soins intensifs pour continuer la respiration artificielle encore nécessaire dans son état. C’est seulement après plus d’une semaine que je rencontre à nouveau ce patient, qui est maintenant de retour dans l’unité de cardiologie. Je lui distribue ses médicaments. Au moment où il me voit il me dit: ‘Oh, cette infirmière sait où est mon dentier’. Je suis très surprise. Alors il explique:’Oui, vous étiez ici lorsque j’ai été amené à l’hôpital et vous avez pris mon dentier de ma bouche et vous l’avez déposé sur cette table roulante, il y avait tous ces flacons dessus et ce tiroir coulissant dessous et c’est là que vous avez mis mes dents’.  J’étais particulièrement stupéfaite car je me souvenais de ce qui s’était passé pendant que l’homme était dans un coma profond, durant la phase de réanimation (CPR). Lorsque je lui ai demandé plus de détails, il est apparu que l’homme s’était vu lui-même allongé sur le lit, qu’il avait constaté « d’au dessus » à quel point les infirmières et les médecins étaient très occupés durant le processus de réanimation. Il était aussi capable de décrire correctement et dans le détail, la petite salle dans laquelle il a été réanimé ainsi que l’apparence de ceux qui étaient présents, comme moi-même. Au moment où il a observé la situation, il a été très effrayé à l’idée que nous puissions arrêter la réanimation et qu’il pourrait en mourrir. Et c’est vrai que nous étions très pessimistes quant au pronostic à cause de son très mauvais état médical lorsqu’il avait été admis. Le patient me dit qu’il a, désespérément et sans succès, essayé de nous dire clairement qu’il était encore en vie et que nous devions continuer la réanimation (CPR). Il est profondément impressionné par cette experience et dit qu’il n’a plus peur de la mort. 4 semaines plus tard, il a quitté l’hôpital en bonne santé.

Le tableau 3 montre les relations entre les facteurs démographiques, médicaux, pharmacologiques et psychologiques et la fréquence ainsi que la profondeur des NDE. Aucun facteur pharmacologique ou psychologique n’a affecté la fréquence de l’expérience. Les personnes de moins de 60 ans ont plus souvent des NDE que les personnes plus âgées (p=0.012) et les femmes, qui étaient de manière significative plus âgées que les hommes ont plus d’expériences profondes que les hommes (p=0.011) (tableau 3). L’augmentation de la fréquence des expériences chez les patients qui ont survécu à un premier infarctus du myocarde, ainsi que des expériences plus profondes chez les patients qui ont survécu grâce à une réanimation cardio-pulmonaire (CPR) en dehors de l’hôpital peut résulter des différences d’âge. Ces deux groupes de patients étaient plus jeunes que les autres patients, bien que les différences d’âge n’étaient pas significatives (p=0.05 et 0.07 respectivement). 

Tableau 3:

Facteurs affectant la fréquence et la profondeur

des expériences de mort imminente

Facteurs categories

NDE

(n=62)

Absece de NDE

(n=282)

P

Profondeur de la NDE

(n=62)

Démographique

Femmes

13 (21%)

80 (28%)

NS

0·011

Age : <60ans

32 (52%)

96 (34%)

0·012

NS

Religion (oui)

26 (70%)

27 (73%)

NS

NS

Education :

niveau primaire

10 (27%)

15 (43%)

NS

NS

Medical

Intubation

6 (10%)

31 (11%)

NS

NS

Stimulation électrophysiologique

8 (13%)

22

(8%)

NS

NS

Premier infarctus du myocarde

60 (97%)

236 (84%)

0·013

NS

Réanimation hors hospital

13 (21%)

88 (32%)

NS

0·027

Trous de mémoire après une longue réanimation

1 (2%)

40 (14%)

0·011

NS

Décès dans les 30 jours

13 (21%)

24 (9%)

0·008

0·017

Prise de medicaments autres que ceux prescrits

17 (27%)

70 (25%)

NS

NS

Peur psychologique avant la réanimation CPR

4 (13%)

2 (6%)

NS

0·045

NDE antérieure

6 (10%)

8 (3%)

0·035

NS

Connaissance préalable au sujet des NDE

22 (60%)

20 (54%)

NS

NS

Répartition des facteurs

Age démographique (moyenne,années)*

58·8 (13·4)

63·5 (11·8)

0·006

NS

Durée médicale de l’arrêt cardiaque (moyenne, min)

4·0 (5·2)

3·7 (3·9)

NS

NS

Durée de l’inconscience (moyenne, min)

66·1 (269·5)

118·3 (355·5)

NS

NS

Nombre de réanimation “cardio-pulmonaires”

2·1 (2·5)

1·4 (1·2)

0·029

NS

Sauf indication, les données sont des nombres (%)

CPR = GardioPulmonary Resuscitation : réanimation cardiopulmonaire

NS= Non Significatif (p>0·05).

*3 valeurs manquantes


Les réanimations cardio-pulmonaires (CPR) longues peuvent parfois entraîner des pertes de mémoire et les patients ainsi affectés témoignent, de manière significative de moins de NDE que les autres (voir tableau 3). Aucune relation n’a été trouvée entre la fréquence des NDE et le temps écoulé entre le processus de réanimation (CPR) et le premier interview (entre 1-70 jours). La mortalité pendant ou juste après le séjour à l’hôpital était de manière significative plus élevé chez les patients qui ont eu une NDE que chez ceux qui n’ont pas témoigné de NDE (13/62 patients [21%]) vs 24/282 [9%], p=0.008), et cette différence étaient encore plus marquée chez les patients qui ont témoigné d’une expérience profonde (10/23 [43%] vs 24/282 [9%], p<0.0001).

Découvertes longitudinales

Après 2 années de suivi, 19 des 62 patients ayant eu une NDE sont morts et six ont refusé d’être interviewé. Donc, nous pouvions interroger 37 patients pour la seconde fois. Tous les patients étaient capables de raconter une nouvelle fois leur expérience avec une grande exactitude. Sur les 17 patients qui avaient obtenu des scores faiblesau cours du premier interview (NDE superficielle), 7 d’entre eux ont obtenu un résultat identique et quatre, probablement après coup, témoignaient d’une NDE qui consistait seulement en des émotions positives (score 1). Au final, seuls 6 patients n’avaient pas de NDE du tout, ce qui était probablement du à notre large définition des NDE lors du premier entretien.

Nous avons sélectionné un groupe de contrôle, qui en âge, sexe, et temps écoulé depuis leur arrêt cardiaque était équivalent au groupe des 282 patients qui n’avaient pas eu de NDE.  Nous avons contacté 75 des ces patients pour obtenir finalement 37 survivants qui ont accepté d’être interviewés. Deux interviews aboutissaient à une NDE consistant uniquement en des émotions positives et 2 autres qui étaient des expériences classiques. Le premier interview suivant la réanimation (CPR) a peut être été réalisé trop tôt pour 4 patients (1% du total) pour qu’ils puissent se rappeler de leur NDE, ou pour être disposé ou capable de décrire leur expérience. Nous avions donc la possibilité d’interviewer 35 patients qui avaient eu une NDE confirmée et 39 patients qui n’en avaient pas eu.

Seulement 6 des 74 patients que nous avons interviewés après 2 années ont déclaré être effrayés avant la réanimation (CPR). 4 de ces 6 patients ont eu une NDE profonde (p=0.045, tableau 3). La plupart des patients n’avaient aucune cra inte avant la réanimation cardio-pulmonaire (CPR), l’arrêt cardiaque étant apparu de manière trop soudaine et inattendue pour avoir le temps d’avoir peur.

Les différences significatives dans les réponses apportées à 13 des 34 points abordés dans le changement de vie des personnes, qui ont eu ou non une NDE, sont montrés dans le tableau 4. Par exemple, les personnes qui ont eu une NDE ont une croyance accrue dans l’existence d’une autre vie et une crainte atténuée de la mort comparés aux personnes qui n’ont pas eu cette expérience. La profondeur de la NDE était liée aux résultats élevés obtenus sur les points spirituels tels que l’intérêt porté au sens de sa propre vie, et sur les points sociaux tels que l’amour et l’acceptation des autres. Les 13 patients qui ont eu une NDE superficielle ont subi les mêmes transformations spécifiques que ceux qui ont eu une expérience classique.  

Tableau 4

Liste des changements importants observés dans la vie des patients16

qui ont vécu ou non une NDE. Bilan après 2 années de suivi.

 

Pour recenser les changements apparus dans la vie

p

Comportement social

Capacité à montrer ses propres sentiments

0·034

Acceptation des autres*

0·012

Montrer plus d’amour, être positif*

0·002

Compréhension des autres*

0·003

Engagement dans  sa famille*

0·008

Comportement religieux

Compréhension du but de la vie*

0·020

Sens profound de la vie*

0·028

Intérêt porté à la spiritualité

0·035

Comportement face à la mort

Crainte de la mort*

0·009

Croyance dans une vie après la mort

0·007

Autres

Intérêt porté au sens de la vie

0·020

Compréhension de soi-même

0·019

Appréciation des choses ordinaries

0·0001

NDE : expérience de mort imminente. 35 patients ont eu une NDE, 39 n’ont pas eu de NDE. 1 valeur manquante pour les patients avec NDE dans toutes les catégories, * 2 valeurs manquantes pour les patients avec NDE (ie, n=33)

Les 8 années de suivi incluaient les 23 patients qui avaient vécu une NDE confirmée après 2 années de suivi. 11 patients sont morts et 1 ne pouvait pas être interviewé. Les patients étaient encore capables de se rappeler leur NDE de manière quasi exacte. Parmi les patients qui n’avaient vécu de NDE, après deux années de suivi, 20 sont morts et 4 patients ne pouvaient pas être interviewés (pour des raison telles que la démence et de longs séjours en hôpital), ce qui laissait 15 patients sans NDE pour participer au 3ème interview.

Tous les patients, même ceux qui n’avaient pas eu de NDE, ont subi des changements positifs, ont acquis plus d’assurance personnelle, étaient davantage impliqués socialement et étaient plus religieux qu’avant. Egalement, les personnes qui n’avaient pas vécu de NDE, sont devenus émotionnellement plus affectées, et chez certains, la crainte de la mort avait diminué davantage qu’au bout des 2 années de suivi. L’intérêt qu’ils portaient à la spiritualité avait beaucoup diminué. La plupart des personnes qui n’ont pas vécu de NDE ne croyaient pas à une vie après la mort, après les 2 ou 8 années de suivi. (tableau 5). Les personnes qui ont vécu une NDE avaient un processus d’adaptation beaucoup plus complexe : ils sont devenus émotionnellement plus vulnérables et plus positifs et il était fréquent d’observer une augmentation des sentiments intuitifs de manière évidente. La plupart des membres de ce groupe ne montraient aucune peur de la mort et croyaient fermement en une autre vie. Les changements positifs étaient plus apparents après 8 années qu’après 2 années de suivi. 

Tableau 5:

Bilan des résultats obtenus pendant l’enquête sur les changements

dans la vie des patients après 2 années et 8 années de suivi

 

 

Liste des changements observes dans la vie des patients

2 années de suivi

8 années de suivi

Questionnaire

NDE

Absence de NDE

NDE

Absence de NDE

 

(n=23)

(n=15)

(n=23)

(n=15)

Comportement social

 

 

 

 

Montrer ses propres sentiments

42

16

78

58

Acceptation des autres

42

16

78

41

Montrer plus d’amour, être positif

52

25

68

50

Compréhension des autres

36

8

73

75

Engagement dans  sa famille

47

33

78

58

Comportement religieux

Compréhension du but de la vie

52

33

57

66

Sens profond de la vie

52

25

57

25

Intérêt porté à la spiritualité

15

-8

42

-41

Comportement face à la mort

Crainte de la mort

-47

-16

-63

-41

Croyance dans une vie après la mort

36

16

42

16

Autres

Intérêt porté au sens de la vie

52

33

89

66

Compréhension de soi-même

58

8

63

58

Appréciation portée aux choses ordinaires

78

41

84

50

         

NDE = Near-Death Experience: expérience de mort imminente.

Les participants ont répondu par évaluation sur une échelle de 5 points indiquant si et à quel degré ils avaient changé :

- fortement augmenté (+2)

- sensiblement augmenté (+1)

- aucun changement (0)

- sensiblement diminué (-1)

- fortement diminué (-2)

Discussion
 

Nos résultats montrent que les facteurs médicaux ne peuvent pas expliquer l’apparition des NDE ; bien que tous les patients aient été cliniquement morts, la plupart n’ont pas eu de NDE. De plus, la gravité de la crise n’avait pas de lien avec à l’apparition ou la profondeur de l’expérience. Si des facteurs purement physiologiques résultant d’une anoxie cérébrale provoquaient les NDE, la plupart de nos patients devraient connaître cette expérience. Les médicaments prescrits aux patients n’étaient pas non plus liés à la fréquence des NDE. Les facteurs psychologiques étaient probablement peu importants, de même que la peur n’était pas associée avec les NDE.

La fréquence de 18% de NDE que nous avons notée est plus basse que celle rapportée dans des études préalables1 ,8, ce qui peut être du au fait que le schéma de notre étude n’a pas permis une auto-sélection des patients. Notre fréquence de NDE est basse malgré une large définition de l’expérience. Seulement 12% des patients ont eu une NDE dite classique, et ce résultat est peut-être surestimé. Lorsque nous avons analysé ces résultats, nous avons noté qu’un hôpital, qui avait participé à l’étude pendant environ 4 ans et au sein duquel 137 patients avaient été sélectionnés, a rapporté une fréquence de NDE, significativement (p=0.01) plus basse (8%) et  significativement accompagnées (p=0.05) de moins d’expériences profondes. Il est alors possible que dans les autres hôpitaux, qui parfois ne participaient que quelques mois, une sélection des patients ait été réalisée. Dans une étude préalable avec le même schéma que la notre, 6% des 63 survivants à un arrêt cardiaque ont témoigné d’une expérience classique, et un autre groupe représentant 5% se souvenait de quelques composantes d’une NDE (bas score dans notre étude) ; ainsi, avec notre large définition de l’expérience, 11% de ces patients ont témoigné d’une NDE. Alors, la fréquence vraie de l’expérience est probablement autour de 10%, ou 5% si on se base sur le nombre de réanimations plutôt que sur le nombre de patients réanimés. Les patients qui ont survécu à plusieurs reprises grâce à des réanimations cardio-pulmonaires ont significativement une chance plus élevée de vivre une NDE.

Nous avons noté que la fréquence des NDE était plus élevée chez les personnes de moins de 60 ans que chez les personnes plus âgées. Dans d’autres études, la moyenne d’âge au moment de la NDE est plus basse que celle que nous avons estimé (62,2 ans) et la fréquence de l’expérience est plus élevée. Morse a observé 85% de NDE chez les enfants, Ring a enregistré 45% NDE chez des personnes avec une moyenne d’âge de 37 ans, et Sabom a vu 43 % NDE chez des personnes âgées de 49 ans en moyenne ; donc, l’âge et la fréquence de l’expérience semblent être associés. D’autres études précédentes ont enregistré un âge inférieur au moment de la NDE : 32 ans6, 29 ans8, et 22 ans11. Dans l’étude de Sabom, l’origine de la NDE était un arrêt cardiaque chez la plupart des patients, alors que dans d’autres travaux, cela concernait seulement un faible pourcentage. Nous avons vu que les personnes ayant subi une réanimation « cardio-pumonaire » (CPR) en dehors de l’hôpital (qui avaient subi des NDE plus profondes que d’autres patients) avaient tendance à être plus jeunes, comme l’étaient ceux qui ont survécu à un arrêt cardiaque lors d’un premier infarctus du myocarde (NDE plus fréquentes), ce qui indique que l’âge était un critère important dans les résultats de cette étude.

Dans une étude de mortalité chez les patients ayant subi une réanimation hors milieu hospitalier18, il a été démontré que les chances de survie augmentent chez les personnes de  moins de 60 ans ainsi que chez ceux qui ont subi un premier infarctus du myocarde. Les personnes plus âgées ont une plus faible chance de retrouver leurs facultés cérébrales après des réanimations difficiles et compliquées, suite à un arrêt cardiaque. Les patients plus jeunes de ont une plus grande chance de survivre à un arrêt cardiaque et donc de décrire leur expérience. Dans une étude menée sur 11 patients après une réanimation (CPR), la personne qui avait eu une NDE était significativement plus jeune que les autres patients qui n’avaient pas une telle expérience.19 Greyson a également enregistré une fréquence plus élevée de NDE et des expériences significativement plus profondes à des âges inférieurs, Ring a également fait cette constatation.

Une bonne mémoire à  court-terme semble être essentielle pour se rappeler des NDE. Les patients qui ont des problèmes de mémoire après une réanimation prolongée témoignent de moins d’expériences que les autres patients de notre étude. L’oubli ou le refus de telles expériences dans les premiers jours après la réanimation (CPR) était probablement ce qui est arrivé chez les patients restant, parce qu’aucune relation n’a été trouvée entre la fréquence des NDE et la date du premier interview. Cependant, après 2 années de suivi, deux patients se souvenaient d’une NDE classique et deux d’une NDE qui consistait en des émotions positives qu’ils n’avaient pas rapporté aussitôt après la réanimation, probablement à cause problèmes de mémoire à ce moment-là. Il est à noter que des personnes peuvent se rappeler leur NDE de manière presque exacte 2 et 8 ans après.

Bien que cela aille à l’encontre de nos résultats, une corrélation inverse a été démontrée entre des connaissances préalables sur les NDE et la fréquence des NDE. Nos résultats, qui montrent que les femmes ont des expériences plus profondes que les hommes, a été confirmée dans deux autres études1,7, bien que dans une7, cela a été observé seulement dans les cas où les femmes ont eu une NDE résultant de maladie.

Les composantes de NDE qui ont été notées (tableau 2) correspondent à celles d’autres études, basées sur la classification de Ring1. Greyson a construit une échelle de NDE différente de Ring, mais les deux systèmes d’évaluation sont étroitement corrélés (r=0,90). Pour l’instant, des comparaisons fiables sont presque impossibles entre les études précédentes qui ont inclus une sélection des patients, des enregistrement médicaux non fiables et qui ont utilisé des critères différents pour la NDE 12, et notre étude prospective.

Notre recherche de suivi longitudinal dans les processus de transformation après une NDE confirme la transformation décrite par beaucoup d’autres.1-3,8,10,13-16,21 Plusieurs de ces enquêtes avait pris en compte un groupe de contrôle pour permettre l’étude des différences dans la transformation, 14 mais dans notre recherche, les patients ont été interviewés 3 fois en 8 ans, avec un groupe de contrôle équivalent. Nos résultats montrent que le processus de changement après une NDE tend à prendre plusieurs années pour se consolider. Vraisemblablement, en plus des processus psychologiques internes potentiels ; une raison pour cela est liée avec le comportement négatif de la société vis à vis des NDE, ce qui conduit les individus à nier ou supprimer leur expérience par peur du rejet ou du ridicule. C’est ainsi que le conditionnement social entraîne les NDE à être traumatisantes alors qu’en elle-même ce n’est pas une expérience psycho-traumatisante. Le résultat peut être que les effets de l’expérience peuvent être retardés pendant des années et c’est seulement graduellement et avec difficultés que la NDE est acceptée et intégrée. Par ailleurs, les effets de transformation à long terme à partir d’une expérience d’arrêt cardiaque qui dure seulement quelques minutes est une découverte surprenante et inattendue.

Une limite de notre étude est que notre groupe d’étude était entièrement constitute de patients cardiaques hollandais qui étaient généralement plus âgés que les groupes dans d’autres études. Donc notre fréquence de NDE pourrait ne pas être représentative de tous les cas – par exemple, une fréquence plus élevée pourrait être attendue avec des sujets plus jeunes, ou les taux pourraient varier dans d’autres populations. Egalement, les taux de NDE pourraient varier chez les personnes qui survivent à des épisodes de mort imminente qui proviennent de causes différentes, comme la noyade, accidents mortels avec traumatisme cérébral, et électrocution. Il serait, cependant, impossible de mener des études prospectives dans la plupart de ces cas.

Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer les NDE. Nous n’avons pas montré que les facteurs psychologiques, neurophysiologiques ou physiologiques provoquaient ces expériences après un arrêt cardiaque. Sabom mentionne le cas d’une jeune femme américaine qui a eu des complications pendant une opération du cerveau pour un anévrisme cérébral. L’EEG (electroencéphalogramme) de son cortex et de son cerveau sont devenus totalement plats. Après l’opération, qui a été finalement réussie, cette patiente a prouvé avoir eu une NDE très profonde, avec une expérience de sortie du corps, avec des observations faites pendant la période d’encéphalogramme plat qui ont pu être vérifiées par la suite.

Et encore, les processus neurophysiologiques doivent jouer un rôle dans les NDE. Des expériences similaires peuvent être provoquées à partir de stimulation électrique du lobe temporal (et donc de l’hippocampus) au cours de neurochirurgie pour épilepsie, 23 avec des niveaux de dioxide de carbone élevés (hypercarbia), 20 et lors d’une irriguation cérébrale diminuée résultant d’une hypoxie cérébrale locale comme on peut observer dans les accélérations rapides durant l’entraînement des pilotes de combat, 25 ou comme dans une hyperventilation suivie par une « manœuvre valsalva ». 4 Les expériences provoquées par la kétamine résultant du blocage du récepteur NMDA 26 et le rôle de l’endorphine, de la sérotonine et de l’enképhaline ont également été mentionnées 27, de même que l’apparition d’expériences semblables à la mort imminente après utilisation de LSD28, psilocarpine et mescaline. 21 Ces expériences provoquées peuvent comporter une période d’inconscience, une expérience de sortie du corps, et la perception de lumière ou de flashes de souvenirs du passé. Néanmoins, ces souvenirs sont constitués de mémoire fragmentée et aléatoire contrairement à la revue de vie panoramique qui peut se produire dans les NDE. De plus, les processus de transformation et la disparition de la peur de la mort sont rarement rapportées après des expériences provoquées.

Donc les expériences provoquées ne sont pas identiques aux NDE, et ainsi, en plus de l’âge, un mécanisme inconnu ne provoque les NDE par stimulation de processus neurophysiologiques et neuro-humoraux à un sous-niveau cellulaire du cerveau que dans quelques cas pendant un état critique comme la mort clinique. Ces processus peuvent aussi déterminer si l’expérience atteint la conscience et si la personne peut se la rappeler.

Par manque de preuves pour toute autre théorie sur les NDE, l’hypothèse émise mais pas encore prouvée, affirmant que la conscience et les souvenirs sont localisés dans le cerveau doit être discutée. Comment une personne peut-elle expérimenter une conscience claire en dehors de son corps au moment où le cerveau ne fonctionne plus durant une période mort clinique avec des (électroencéphalogrammes) plats ?22 Egalement, au cours d’un arrêt cardiaque l’EEG (électroencéphalogramme) devient généralement plat, dans la plupart des cas, dans les 10 s qui ont suivi la syncope.23,30 De plus, les aveugles ont décrit des visions confirmées durant des expériences de sortie du corps au moment de cette expérience. 31 Les NDE repoussent les limites des idées médicales au sujet de la relation entre la conscience humaine et l’esprit-cerveau.

La recherche devrait se focaliser sur les efforts ayant pour but d’expliquer scientifiquement l'occurrence et le contenu des NDE. La recherche devrait également se concentrer sur certaines composantes spécifiques des NDE, telles que les expériences de sortie hors du corps et d'autres aspects vérifiables. Enfin, la théorie et le fond transcendental devraient être pris en compte dans le cadre explicatif de ces expériences.

Une autre théorie défend l’idée que les NDE peuvent être un changement d’état de la conscience (transcendance), dans lequel l’identité, la connaissance et l’émotion fonctionne indépendamment de la conscience du corps, mais conserve la possibilité de perception non-sensorielle.7,8,22,28,31

Collaborateurs

Pim van Lommel a coordonné les premiers interviews et était responsable de la collecte des données démographiques, médicales et pharmacologiques. Pim van Lommel, Ruud van Wees, et Vincent Meyers ont évalué le premier interview. Ruud van Wees et Vincent Meyers ont coordonné les seconds interviews. Ruud van Wee a réalisé les analyses statistiques sur les premiers et seconds interviews. Ingrid Elfferich a réalisé les troisièmes interviews et a analysé les résultats.

Remerciements

Nous remercions les infirmières et l’équipe médicale des hôpitaux impliqués dans la recherche ; les volontaires de l’Association Internationale des Etudes sur la Mort imminente ; IANDS - Pays-Bas;  la Fondation Merkawah pour la réalisation des interviews et l’enregistrement des deuxièmes et troisièmes interviews ; Martin Meyers pour son aide à la traduction ; et Kenneth Ring et Bruce greyson pour la relecture de cet article.

Références

1 Ring K. Life at death. A scientific investigation of the near- death experience. New York: Coward McCann and Geoghenan, 1980.

2 Blackmore S. Dying to live: science and the near-death experience. London: Grafton--an imprint of Harper Collins Publishers, 1993.

3 Morse M. Transformed by the light. New York: Villard Books, 1990.

4 Lempert T, Bauer M, Schmidt D. Syncope and near-death experience.  Lancet  1994; 344: 829-30. 

5 Appelby L. Near-death experience: analogous to other stress induced physiological phenomena . BMJ  1989; 298: 976-77. 

6 Owens JE, Cook EW, Stevenson I. Features of "near-death experience" in relation to whether or not patients were near death . Lancet 1990; 336: 1175-77. 

7 Greyson B. Dissociation in people who have near-death experiences: out of their bodies or out of their minds?  Lancet  2000; 355: 460-63. 

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9 Greyson B. Varieties of near-death experience.  Psychiatry 1993; 56: 390-99. 

10 Morse M. Parting visions: a new scientific paradigm. In: Bailey LW, Yates J, eds. The near-death experience: a reader. New York and London: Routledge, 1996: 299-318.

11 Schmied I, Knoblaub H, Schnettler B. Todesnäheerfahrungen in Ost- und Westdeutschland--eine empirische Untersuchung. In: Knoblaub H, Soeffner HG, eds. Todesnähe: interdisziplinäre Zugänge zu einem außergewöhnlichen Phänomen. Konstanz: Universitätsverlag Konstanz, 1999: 217-50.

12 Greyson B. The incidence of near-death experiences.  Med Psychiatry  1998; 1: 92-99. 

13 Roberts G, Owen J. The near-death experience.  Br J Psychiatry 1988; 153: 607-17. 

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15 Atwater PMH. Coming back to life: the after-effects of the near-death experience. New York: Dodd, Mead and Company, 1988.

16 Ring K. Heading towards omega: in search of the meaning of the near-death experience. New York: Quill William Morrow, 1984.

17 Parnia S, Waller DG, Yeates R, Fenwick P. A qualitative and quantitative study of the incidence, features and aetiology of near death experiences in cardiac arrest survivors.  Resuscitation 2001; 48: 149-56.  

18 Dickey W, Adgey AAJ. Mortality within hospital after resuscitation from ventricular fibrillation outside hospital.  Br Heart J  1992; 67: 334-38. 

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20 Greyson B. The near-death experience scale: construction, reliability and validity.  J Nervous Mental Dis  1982; 171: 369-75.  

21 Schröter-Kunhardt M. Nah--Todeserfahrungen aus psychiatrisch-neurologischer Sicht. In: Knoblaub H, Soeffner HG, eds. Todesnähe: interdisziplinäre Zugänge zu einem außergewöhnlichen Phänomen. Konstanz: Universitätsverlag Konstanz, 1999: 65-99.

22 Sabom MB. Light and death: one doctors fascinating account of near-death experiences. Michigan: Zondervan Publishing House, 1998: 37-52.

23 Penfield W. The excitable cortex in conscious man. Liverpool: Liverpool University Press, 1958.

24 Meduna LT. Carbon dioxide therapy: a neuropsychological treatment of nervous disorders. Springfield: Charles C Thomas, 1950.

25 Whinnery JE, Whinnery AM. Acceleration-induced loss of consciousness.  Arch Neurol  1990; 47: 764-76. 

26 Jansen K. Neuroscience, ketamine and the near-death experience: the role of glutamate and the NMDA-receptor. In: Bailey LW, Yates J, eds. The near-death experience: a reader. New York and London: Routledge, 1996: 265-82.

27 Greyson B. Biological aspects of near-death experiences.  Perspect Biol Med 1998; 42: 14-32. 

28 Grof S, Halifax J. The human encounter with death. New York: Dutton, 1977.

29 Clute HL, Levy WJ. Electroencephalographic changes during brief cardiac arrest in humans.  Anesthesiology  1990; 73: 821-25. 

30 Aminoff MJ, Scheinman MM, Griffing JC, Herre JM. Electrocerebral accompaniments of syncope associated with malignant ventricular arrhythmias.  Ann Intern Med  1988; 108: 791-96. 

31 Ring K, Cooper S. Mindsight: near-death and out-of-body experiences in the blind. Palo Alto: William James Center for Consciousness Studies, 1999.