EMI de Mark J
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DESCRIPTION DE L'EXPERIENCE :

E-mail : jacoby_mark@hotmail.com L’AUTEUR DEMANDE QUE SON RECIT N’APPARAISSE QUE SUR NDERF SAUF S’IL DONNE SON AUTORISATION.

Le 17 décembre 1979 a amené de la neige sur le lac Tahoe. C’était un jour d’école, le genre de journée où l’on écoutait la radio, ou alors on appelait le dépôt de bus pour savoir si l’annulation de la journée d’école au bénéfice d’une journée de neige était annoncée. Ce genre de chose est relativement courant pendant les mois d’hiver pour les écoles de la côte nord.

Bien sûr, pour un adolescent, rien ne pouvait être mieux qu’un jour d’école en moins, tel un cadeau inattendu que nous acceptions sans rechigner.

Généralement, la tempête était trop forte pour bien skier ces jours là, les routes étaient peu praticables, au moins le matin. Mais le Conté de Placer, dans l’état de Californie, était toujours à la hauteur, ils avaient vite fait de suffisamment dégager les routes principales pour que les bus scolaires puissent circuler. Il me semblait que l’un de leurs mandats consistait à dégager d’abord les principaux circuits des bus scolaires. A leur maudit crédit, ils y parvenaient pratiquement toujours. Et ce 17 décembre là, ils ont fait leur travail.

J’étais un élève de 17 ans au lycée de North Tahoe. A l’époque, depuis environ un an je conduisais moi-même pour me rendre à l’école, soit dans le véhicule de mes parents, soit plus tard dans ma propre voiture équipée de pneus neige cloutés. Sans 4x4, toute personne du coin qui se respecte doit rouler avec des pneus neige cloutés, comme ceux de ma voiture. Pour moi, utiliser des chaînes était un signe de faiblesse et d’inexpérience. Car à Tahoe, soit on conduit sur la neige, soit on fait du stop. J’ai roulé vers le lycée ce matin là. Pour la plupart de mes amis et moi-même, conduire sur la neige était un jeu, il était facile de glisser et de faire déraper les roues pour s’amuser, nous avions aussi beaucoup de pratique pour rattraper des glissades imprévues. Les routes étaient plutôt en bon état si on considère le niveau des chutes de neige. La conduite ne me posait pas de problème, mais rappelez-vous qu’il tombait vraiment beaucoup de neige.

Quand la journée de neige n’était pas déclarée le matin, les élèves du lycée de North Tahoe et, je suppose, de bon nombre d’autres établissements, regardaient par la fenêtre, ou sortaient dehors entre deux cours afin de voir la neige s’amonceler. Parfois, le district des écoles unifiées de Tahoe Truckee faisait arrêter les cours plus tôt lors de journées telles que celle-ci. Le principe, c’est que la neige et l’état des routes allaient empirer et ils voulaient envoyer les bus sur la route avant que cela ne devienne dangereux.

Bien que notre cadeau du matin ne soit pas arrivé, nous espérions qu’à tout moment la voix de l’adjoint du Proviseur allait nous parvenir dans les haut-parleurs, annonçant notre récompense sous forme d’un départ anticipé. Ces demi-journées étaient en quelque sorte meilleures que les journées d’intempérie, car nous n’avions pas à les rattraper en fin d’année, nous avions le bénéfice supplémentaire d’être avec nos camarades et de connaître les projets de chacun pour le reste de la journée. Je ne devais jamais savoir si le lycée allait fermer plus tôt ce jour là.

En novembre 1979, le groupe Pink Floyd a sorti l’un des albums les plus populaires de la décennie : « The Wall ». J’étais le premier gamin du bâtiment et même de tout le lycée semble-t-il, à avoir cet album en cassette. Depuis quelques jours, je l’écoutais et le passais à mes amis, j’ai demandé à l’un d’eux si nous pouvions passer quelques chansons chez lui pendant la pause déjeuner. Tim, dont le père était promoteur immobilier ou quelque chose de ce genre, était l’un de mes nombreux amis dont les parents étaient fortunés. Les camarades ayant des parents riches étaient aussi communs à Tahoe que les copains possédant un animal en d’autres endroits où j’avais vécu. Leur appartement était situé en bord de lac et il y avait un chaîne hi fi très coûteuse dans le salon. Les parents de Tim n’étaient presque jamais présents ; j’ai supposé qu’ils étaient partis quelque part afin de gagner encore plus d’argent, à l’origine de la belle maison et de la chaîne hi fi. Nombre de mes amis « gosses de riches » avaient des parents absents.

Tim possédait aussi un Jeep CJ toute neuve. Elle avait de gros pneus et quatre roues motrices, c’était le meilleur jouet de neige pour de jeunes conducteurs. La cloche du déjeuner a donc sonné et nous avons traversé le parking du lycée en direction de la Jeep. Cette marche était confortable pour moi dans ma nouvelle doudoune. Posséder une doudoune, c’était comme avoir un 4x4 ou des pneus neige cloutés sur sa voiture, cela faisait partie du kit de survie des indigènes de Tahoe. Certains autochtones pur jus adoraient rafistoler leur grande doudoune avec du chatterton, il n’y avait pas de chatterton sur la mienne parce qu’elle était neuve.

Les chutes de neige s’étaient intensifiées ; elles s’étaient en fait converties en tempête de neige. Le blizzard était arrivé au point magique qu’atteignent parfois les tempêtes de la Sierra, quand les chasse-neiges ne parviennent plus à compenser les averses de neige. Les jours où cela se produit, la circulation locale des mamans faisant les courses et des professionnels allant et venant, suffit à remplacer les chasse-neiges en tassant fortement la neige à la surface des routes. Dans les endroits où les chasse-neiges enlèvent la neige sur les routes, ce processus de tassement durcit et compacte la neige jusqu’à pratiquement atteindre la résistance du béton sur la chaussée.

C’est précisément sur une telle surface que la musique de « The Wall » a accompagné le son des essuie-glaces tout le long du trajet jusqu’à la maison de Tim. Il habitait à seulement environ trois kilomètres du collège, bien que nous ayons dérapé plusieurs fois, une fois que Tim a réglé sa vitesse pour coexister avec cette surface mortelle, la Jeep n’a pas posé de problème dans ces conditions. Arrivés à l’appartement au bord du lac, tout en mangeant des sandwiches et en buvant des sodas, nous avons écouté les Pink Floyd sur des enceintes Sansui pourvues de boomers surdimensionnés. L’heure est venue de ramener la cassette dans la Jeep et de repartir vers l’école.

A côté de l’appartement se trouve Star Harbor, le port d’attache de la station des garde côte du nord du lac Tahoe, il s’y trouve une rampe à bateaux et un grand parking. Avec plus de soixante centimètres de poudreuse fraîche sur le parking, peu de jeunes conducteurs de Jeep auraient pu résister à un tel terrain de jeu, Tim n’a pas fait exception. Il a foncé dans le parking et m’a montré ses tours. Une acrobatie consistait à prendre de la vitesse aussi vite que possible, puis à tourner le volant d’un côté ou de l’autre tout en tirant violemment le frein à main, nous autres, gens de Tahoe, appelions cela virage en « freinage d’urgence ». Tim et moi avons profité du parking jusqu’à la dernière seconde pour ne pas être en retard pour le retour de pause déjeuner. Tim a quitté Star Harbor sur la route de Lake Forest en direction du lycée.

Tandis que nous déjeunions à l’appartement, une autre condition de route hivernale avait émergé, un chasse-neige était passé sur la route de Lake Forest. Lorsqu’un chasse-neige équipé d’une lame droite normale rencontre ces conditions de neige blanche compactée, dure comme de la pierre, il enlève peu de neige. Il pèle juste la couche rugueuse au dessus de la surface tassée, tout comme une lame de rasoir enlève la peinture sur une vitre. Le fait de peler laisse une surface lisse ressemblant à du marbre blanc poli. Ce type de surface sur la route est tellement glissant qu’on peut à peine tenir debout ou marcher dessus. En y ajoutant environ cinq millimètres de neige, conduire sur une patinoire n’aurait pas été différent. La route de Lake Forest était ainsi.

Je n’ai jamais posé la question, mais je suppose qu’après environ 500 mètres sur la route de Lake Forest, Tim a décelé ce qu’il a cru être un bon endroit pour faire un virage en freinage d’urgence. Je ne pense cependant pas que l’un de nous se soit douté de ce qui allait se passer ensuite, une fois le dérapage amorcé sur cette glace mortellement glissante, la Jeep a en fait paru accélérer. Elle a glissé totalement hors de contrôle. Déraper dans la neige sans rien maîtriser était une sensation familière, je l’avais connue de nombreuses fois auparavant, généralement par jeu, quelquefois accidentellement. Nous glissions vers la droite, côté conducteur en direction d’une allée. La vitesse était probablement d’environ de 60 Km/h, toutefois nous ne ralentissions pas du tout.

En regardant dans la direction de la glissade, j’ai vu que nous allions vers un poteau téléphonique. En pensée, j’ai vu le poteau céder sans conséquence, tout comme un poteau de bois sur lequel j’avais roulé auparavant. Je nous ai ensuite imaginés bloqués dans le tas de neige profonde, devant pelleter pour sortir. Je me suis dit : « Super, on va être coincés, il va falloir creuser et on sera en retard pour revenir de la pause déjeuner. ». La Jeep a continué à déraper et le temps a paru ralentir. Tandis que nous glissions, je continuais à regarder le poteau, il m’a semblé que nous allions peut-être le rater. Ce qui s’est produit a en fait été très différent. Mon dernier souvenir fut peut-être un bruit fort, plutôt semblable à des parasites qu’à une percussion bruyante, un bref éclair de lumière l’a accompagné, puis ce fut l’obscurité.

Le son suivant que j’ai entendu, c’était « The Wall » des Pink Floyd en provenance de l’autoradio de la Jeep. Je me suis éveillé lentement, j’étais presque entièrement engourdi. L’ensemble de mon corps fourmillait, tout comme mes jambes s’engourdissent lorsque je reste en tailleur trop longtemps. J’avais aussi l’impression d’avoir un sifflement ou un bourdonnement dans les oreilles. Cependant, lorsque ma vision s’est progressivement rétablie, j’ai vu que j’étais allongé sur le dos juste sous le différentiel arrière de la Jeep, je fixais le train arrière. J’ignore depuis combien de temps je me trouvais là. Cela m’a beaucoup troublé ; je ne savais vraiment pas quoi penser. J’ai cru que j’avais rampé, je ne sais comment, sous la Jeep de Tim, mais je ne me souvenais ni de l’avoir fait, ni du motif. Je ne me rappelle plus si on m’a extrait ou si je suis sorti tout seul de sous la Jeep, bien qu’il semble que je me sois repris d’une manière quelconque. Je me souviens bien m’être tenu debout sur la route derrière la Jeep, puis retomber immédiatement, à nouveau inconscient.

Lorsque je me suis réveillé encore une fois, Tim et une inconnue me traînaient sur la route par les bras. Je ressentais des coups de couteaux et de poignards dans le bras gauche, je sentais des raclements et quelque chose de très lâche et aigu dans le bras, l’épaule ou la poitrine, je n’aurais su dire ce qui se passait, mais d’une manière quelconque je m’étais rendu compte que j’avais le bras cassé. J’ai dû dire à Tim de lâcher, que j’avais le bras fracturé et qu’il me faisait mal. Il m’a lâché le bras et m’a attrapé par la taille tandis que je m’appuyais plus fortement à ma droite, sur la dame. J’ai commencé à réaliser que je ne pouvais plus respirer. J’avais l’impression que le bras autour de ma taille ou que le poids de mon corps dans leurs bras alors qu’ils me traînaient, avait dû me couper le souffle d’une manière ou d’une autre. Ils m’ont emmené chez la dame qui me tenait le bras droit et m’ont allongé sur le canapé du salon. J’ai à nouveau perdu connaissance, je pense qu’à l’époque, j’aurais dit que je m’étais endormi.

Réveillé une fois encore, j’ai entendu des voix. Tim était là, la dame inconnue et un autre homme se trouvaient également dans la pièce. J’avais dû gémir ou crier car ils discutaient de la façon de me soulager. J’ai vaguement entendu qu’ils avaient appelé une ambulance et que la police routière était en chemin. Soit les souvenirs sont partis, soit je n’ai jamais eu une image très claire de ce qui se passait. A ce moment là, je savais que j’avais eu un accident de voiture, que nous avions percuté le poteau téléphonique et qu’il n’avait pas cédé. J’ai entendu l’homme et la femme se parler, ils avaient décidé d’allumer un joint de marijuana pour moi, il allait soulager la souffrance. Lorsque l’homme me l’a tendu, il m’a fallu lui dire que je ne pouvais pas fumer, j’avais trop de difficultés à respirer. En fait, ma respiration semblait devenir plus difficile à chaque inspiration. J’ai appris plus tard que mes poumons étaient en train de s’effondrer.

J’essayais frénétiquement d’attirer l’attention de Tim. Dans ma poche, il y avait de la drogue dans un sachet. Je voulais la cacher avant que la police n’arrive, mais je ne pouvais pas bouger le bras pour mettre la main dans la poche. J’ai finalement réussi à attirer son attention, il a dû s’agenouiller près du canapé et coller l’oreille près de ma bouche pour m’entendre. Il a glissé la main dans ma poche, enlevé le sachet qu’il a glissé sous le canapé. Parler devenait plus difficile à chaque respiration. Mais j’étais soulagé que la dope ne soit plus en ma possession. Je ne voulais pas avoir d’ennuis avec la police à cause de ce petit accident. J’étais loin d’imaginer à quel point j’avais déjà des ennuis.

Lorsque le patrouilleur de la police est arrivé, il a commencé à me poser des questions. A ce moment là, je ne parvenais plus aspirer suffisamment d’air pour pouvoir émettre autre chose qu’un bas murmure. Je sais qu’il m’a demandé mon nom plusieurs fois, chaque fois que je lui répondais, il répétait : « Savez-vous ce qui s’est passé ? Comment vous appelez-vous ? ». Je lui répondais : « Je m’appelle Mark Jacoby et nous avons eu un accident avec la Jeep. », mais apparemment il ne m’entendait pas. Je me suis peut-être rendormi, mais j’ai entendu Tim et le policier parler de l’accident, Tim lui a dit mon nom. Franchement, j’ignore combien de temps je suis resté allongé là, je dirais 45 minutes, mais cela aurait aussi bien pu être 10 minutes ou une heure, tout était passablement faussé. Je me souviens avoir dérivé entre veille et sommeil. Il y a eu ensuite plus d’agitation, j’ai entendu les infirmiers arriver.

Deux infirmiers des pompiers de la ville de Tahoe étaient agenouillés près de moi, j’ai trouvé bizarre qu’ils me posent la même question que le policier : « Comment vous appelez-vous ? Savez-vous où vous vous trouvez ? Savez-vous ce qui s’est passé ? Où avez-vous mal ? » Je leur ai répondu comme au policier, mais comme ils continuaient à répéter leurs questions, j’ai supposé qu’ils jouaient à un jeu ou quelque chose de ce genre. Il ne m’est pas directement venu à l’idée qu’ils ne pouvaient pas m’entendre. J’étais de plus en plus frustré par mes tentatives pour leur parler. Ils se sont agités autour d’un des sacs qu’ils avaient amenés, sortant une paire de ciseaux avec lesquels ils se sont mis à découper ma nouvelle doudoune. J’essayais désespérément de les arrêter, je venais en effet juste de l’acheter. Il semble que j’aie réussi à les inciter à me l’enlever, mais honnêtement, je ne m’en souviens pas.

Ensuite, ils ont découpé ma chemise. Je me rappelle que cette chemise avait des bandes de tissu. Lorsqu’ils ont enlevé les bouts de toile découpée, pour la première fois j’ai commencé à comprendre ce qui m’était arrivé. En abaissant les yeux vers ma poitrine, j’ai vu que l’épaule gauche était déplacée de façon grotesque, quasiment jusqu’au milieu de la poitrine, elle se trouvait sous le mamelon. Chaque mouvement était devenu douloureux. Tout ce que les infirmiers me faisaient me causait des souffrances extrêmes, j’ai essayé de hurler mais je n’arrivais pas à inspirer suffisamment d’air pour le faire.

En regardant mon corps déformé, j’ai commencé à penser que je ne regardais pas du tout mon corps. C’était peut-être dû au choc, ou à quelque chose d’autre, mais c’est là que cela a commencé à devenir très étrange. Je me souviens avoir concentré toute mon énergie sur ma respiration, en effet, je ne pouvais tout simplement plus respirer suffisamment. Ma vue était bizarre également ; l’air paraissait troublé, comme si je pouvais le voir. J’ai regardé mon corps tordu et je me suis rendu compte que j’avais changé de point de vue. Tout d’abord j’ai réalisé que j’étais très gravement blessé, bien plus qu’une simple fracture. J’avais l’impression de regarder les infirmiers ainsi que ma propre épaule depuis l’endroit où ladite épaule aurait dû se trouver : à gauche et juste au dessus de mon oreille gauche. Cela a augmenté mon trouble. Je me rappelle avoir parlé aux infirmiers et les avoir regardé dans les yeux, c’était pourtant impossible ; ils se tenaient au dessus de moi et j’étais allongé sur le dos. La vision de mon corps et toute cette confusion semble avoir été trop pour moi, j’ai tenté de me rendormir. Toutefois, respirer était plus difficile que jamais.

J’appréciais le sommeil ; c’était la seule façon d’éliminer la douleur. Etre éveillé signifiait souffrir, la douleur semblait avoir remplacé toutes les sensations. Respirer faisait mal, tenter de parler faisait mal, mon esprit faisait mal à cause de l’incapacité à communiquer avec les infirmiers, l’épaule me faisait mal, la poitrine me faisait mal, le cou me faisait mal, le dos me faisait mal et les muscles du ventre me faisaient mal en tentant d’aspirer de l’air dans une poitrine écrasée, toutes ces parties étaient extrêmement endommagées.

C’était différent de toutes les douleurs que j’avais éprouvées auparavant. C’était une douleur sèche, aiguë, piquante, comme une entaille que l’on continuerait à découper, ou bien une brûlure interne qui ne s’améliorerait pas en retirant la source de chaleur. Cette souffrance empirait, elle allait se maintenir. Il ne servait à rien de rester tranquillement allongé pour la faire partir. De plus les infirmiers me remuaient, ils passaient les mains sur mon corps, à la recherche de blessures. Il n’y avait pas de soulagement à cette douleur.

J’avais mis tant d’énergie à respirer, que cela m’épuisait et la respiration me faisait souffrir. Je n’y arrivais plus, quels que soient mes efforts, cela devenait trop difficile. Je ne savais pas vraiment pourquoi, c’était tellement troublant. J’étais épuisé, non pas comme après une dure journée de travail ou de jeu, c’était l’épuisement de toute une vie. Dans le sommeil ce corps cessait de faire mal. Il y avait également quelque chose d’autre durant l’endormissement. Cela a commencé doucement, depuis un endroit très lointain et profond à l’intérieur, mais cela se rapprochait de plus en plus à mesure de l’allongement de l’assoupissement. Le rythme de ma respiration semblait être alors la seule chose dont j’étais conscient.

Je dis que je dormais, mais en fait je perdais connaissance à cause d’une combinaison de douleur, manque d’oxygène, choc, ou probablement de tout cela à la fois. Mais d’une certaine manière, j’étais conscient. Je sentais alors les inspirations, expirations laborieuses se ralentir, les respirations paraissaient durer très, très longtemps. Je me souviens d’une en particulier. Je ne me rappelle pas tellement de l’inspiration, mais le souffle est très net dans ma mémoire. L’exhalaison a paru trop importante. J’ignore d’où provenait cette quantité d’air, mais il semble que j’ai expiré lentement et totalement, plus complètement que toutes les respirations jamais ressenties auparavant. En fait j’ai continué à exhaler après que l’air ait paru avoir quitté le poumon qui me restait. J’ai ressenti un déplacement avec cette expiration. C’était comme si j’avais pu, j’ignore comment, ressentir l’air une fois qu’il avait quitté mon corps. J’étais en fait cet air qui partait de mon corps. J’ai eu la sensation d’être détaché de mon corps. C’est difficile à décrire et tout à fait désorientant sur le moment, j’ai voyagé hors de mon corps à l’intérieur de ce dernier souffle. D’une certaine manière, je ressentais le moi que j’étais, quel qu’il soit, quittant le canapé avec une sorte de sensation de souffle. Ce nouveau sentiment était concentré dans ma tête, comme si j’avais été aspiré au niveau du visage par une force similaire à un aspirateur qui aurait attiré ce dernier souffle.

La douleur m’avait quitté, mais je n’étais pas endormi. Je voyais. Je voyais toujours les infirmiers qui me parlaient. Ils savaient que j’avais cessé de respirer, ils se parlaient entre eux et l’un d’eux me disait de rester avec lui. Maintenant je les regardais dans les yeux. Lentement j’ai vu leur visage qui semblait s’enfoncer sous moi, rapidement j’ai abaissé le regard vers l’infirmier qui parlait le plus. C’était très troublant ; je commençais à me rendre compte que quelque chose de très étrange se produisait, bizarre et pourtant quelque peu familier. Je savais que cette scène n’était pas du tout normale, j’avais en effet conscience d’être allongé sur le canapé. Je le savais car j’étais certain de ne pas m’être levé. Je le savais aussi car j’avais tenté de m’asseoir auparavant, me rendant compte que la situation avait progressivement empiré depuis. J’avais de plus conscience de ne plus être endormi. J’ai focalisé ma volonté afin d’orienter mon champ de vision vers le canapé. Ce que je trouve bizarre encore aujourd’hui, c’est que je n’étais pas surpris de voir mon corps en dessous de moi.

Ce « savoir » a changé les choses. Je ne pense pas avoir alors su que je mourais, mais je savais que c’était grave. Au début, après avoir réalisé que je n’étais plus dans mon corps, il y a eu un moment de panique. Non pas une panique causée par la peur mais plutôt par la désorientation. Je me sentais désorienté comme si je m’étais tenu sur la glace après une glissade inattendue, battant des bras à la recherche de l’équilibre, revenant tout juste sur mes pieds, n’osant plus bouger de crainte de glisser à nouveau. Il y avait une certaine sensation d’apesanteur, comme au sommet d’un plongeon de haut vol, ou lorsqu’un ascenseur se met à descendre de façon inattendue. Ces sensations étranges ont paru persister pendant un moment, suffisamment longtemps pour le remarquer alors que la scène changeait à nouveau.

Je ressentais une sensation de mouvement, pas nécessairement mon propre déplacement, mais la pièce a commencé à se déformer autour de moi. Je voyais les infirmiers et moi-même, mon champ de vision s’est élargi pour englober toute la pièce, j’ai pu voir les autres, le policier, mais c’était déformé. C’était comme si la pièce s’allongeait, comme si j’avais été au plafond mais que celui-ci s’élevait. Ce n’était qu’une pièce normale avec un plafond situé à environ deux mètres cinquante, mais ma vision donnait l’impression que le plafond se trouvait peut-être à 10 mètres. A ce moment, la sensation de mon champ visuel s’est déformée, donnant une impression de mouvement. C’était comme si j’avais été tiré en arrière. Je ne prenais pas nécessairement de l’altitude, mais je me séparais de cette scène. J’avais la sensation que le monde s’éloignait de moi, j’étais en train de faire partie de quelque chose d’autre qui me réclamait.

J’ai abaissé le regard vers les personnes dans la pièce. Elles paraissaient différentes également. C’était comme si leurs contours avaient été tracés avec un crayon de lumière produisant un genre de luminosité autour des lignes de leur corps. L’air était flou et d’un ton violet. Comme si les molécules d’air avaient été d’un violet translucide. Je voyais l’air. Puis j’ai décelé un genre de sifflement et une étrange sensation d’obscurité tandis que je traversais en flottant ce qui aurait été le plafond. Je me suis alors retrouvé dans la tempête, je sentais la neige tomber, tout en continuant à fusionner vers le haut avec quelque chose auquel j’étais relié. Une impression de grande attraction s’est fait sentir. Je n’appellerais pas vraiment cela de la vitesse, le monde semblait s’éloigner rapidement de moi plutôt que le contraire. La scène au dessous de moi a paru s’étirer en une déformation infinie.

Bien que ce soit difficile à décrire, c’était comme si la pièce, le bâtiment et la tempête de neige étaient projetés sur une sphère de tissu. Je m’élevais vers le haut de cette sphère qui se déformait, comme lorsqu’on soulève un drap de lit en le pinçant avec les doigts, la scène se drapait et se déformait à mesure que mon point de vue s’élevait tandis que j’étais soulevé en hauteur, le drap du monde se pendant autour de moi, se déformant de plus en plus à mesure de l’élévation de ma perspective.

Je retournais d’où j’étais venu. Je ne peux pas correctement décrire ce sentiment, mais j’avais connaissance de cet endroit, il m’était familier, je m’y étais trouvé auparavant. Ce n’est pas tant que mon corps et le monde n’aient pas été familiers, que je n’y ai pas eu ma place, ils étaient familiers également. Mais cet endroit, vers lequel j’allais, me donnait l’impression d’être chez moi, non pas comme le chez moi de l’époque, mais comme un souvenir du chez moi de mon enfance, lorsque maman s’occupait de moi. J’avais la sensation d’être attendu, que des bras ouverts m’attendaient.

A ce moment là, j’avais conscience d’un grand voyage. Un voyage que je venais juste d’entamer, une grande distance à parcourir dont je n’avais couvert qu’une portion. Mes sens se sont également transformés dans ce mouvement. Je n’avais plus de sens de la vue, ni de la température, ni du mouvement. Je ne percevais pas de douleur et je ne me souviens pas avoir disposé de l’ouïe. De ce moment, la seule sensation dont je me rappelle c’est un profond sentiment d’amour, plus profond que tout ce que j’avais éprouvé auparavant. Il s’agissait pourtant d’un sentiment familier, je l’ai reconnu comme de l’amour, il semblait émaner de partout dans ma direction et de moi vers l’extérieur. C’était un sentiment chaleureux, réconfortant, une sensation de parfait bien être.

J’avais également l’impression qu’une lourde charge m’avait été enlevée. Je m’étais déjà trouvé là. J’ai alors su où j’étais, bien que je n’aurais pu nommer cet endroit. J’étais retourné d’où j’étais venu et j’en ignorais le nom. Je sais pourtant qu’on lui colle beaucoup d’étiquettes, cela aurait pu être le paradis, le purgatoire, un genre de samadhi, une collectivité d’âmes, je ne sais personnellement comment le nommer. Je vais seulement tenter de le décrire tel que je m’en souviens, car je pense que coller une étiquette sur cet endroit revient à le nommer en fonction de ce qu’il n’est que partiellement. Je m’étais trouvé là avant.

Je n’étais plus seul, je sentais une autre présence. C’était, en quelque sorte, comme si nos sentiments, nos émotions et notre savoir avaient fusionné. Puis une voix a retenti. L’utilisation du mot voix est intéressante, je ne disposais en effet pas du sens de l’ouïe, je soupçonne que je n’avais pas d’oreilles bien que je n’aie pas le souvenir clair de ce à quoi mon « corps » pouvait bien ressembler dans cet endroit. C’était plutôt une pensée dans mon esprit qui n’était pas une de mes pensées. C’était la pensée de quelqu’un d’autre. C’était un genre de télépathie, mais c’était tout à fait naturel pour moi car c’était vraiment familier. Non seulement ce style de communication par télépathie était familier, mais j’ai également reconnu ce quelqu’un particulier dont je partageais les pensées.

La façon dont nous avons commencé n’est pas nette, si ce n’est que le résultat de ce premier message fut pour moi de me mettre à éprouver une série de sentiments au sujet de ma vie. C’était le fameux : « ma vie a défilé devant moi » ou passage en revue de la vie ainsi que je l’ai entendu dire depuis. Je le décrirais comme une longue série de sentiments fondés sur de nombreuses actions de ma vie. La différence, c’est que non seulement j’ai revécu les sentiments, mais j’ai aussi ressenti une sorte d’empathie à l’égard des émotions des personnes de mon entourage qui étaient touchées par mes actes. En d’autres termes, j’ai également ressenti ce que les autres avaient éprouvé par rapport à ma vie. Le plus puissant de ces sentiments venait de ma mère.

J’ai été adopté alors que j’étais bébé. J’ai été un peu rebelle. Quand j’étais petit, j’ai parfois fait du mal à d’autres enfants, je me suis également drogué et enivré, j’ai volé, roulé comme un fou, eu des mauvaises notes, commis des actes de vandalisme, maltraité ma sœur, été cruel envers les animaux, la liste est longue. Toutes ces actions ont été revécues en un éclair, associant mes sentiments et ceux des parties impliquées. Mais le plus profond était une émotion de ma mère. J’ai ressenti ce qu’elle éprouvait en apprenant ma mort. Son cœur s’est brisé, avec une grande souffrance, tout était mélangé cependant, avec des sentiments au sujet de la quantité d’ennuis dans lesquels j’étais impliqué. J’avais la sensation qu’il était tout à fait tragique que cette vie se termine si tôt, en n’ayant pas vraiment fait beaucoup de bien.

Cela m’a laissé le sentiment que je n’avais pas terminé ce que j’avais à faire dans la vie. Le chagrin que je ressentais de la part de ma mère et de mes amis était intense. En dépit de ma vie troublée, j’avais de nombreux amis, dont certains étaient proches. J’étais bien connu, sinon apprécié, j’ai pu ressentir beaucoup de choses dites au sujet de ma vie et de ma mort. Eprouver le chagrin de ma mère était écrasant.

Il y avait également d’autres émotions, des camarades d’école, en fait pratiquement tous les élèves réagissaient à la nouvelle de ma mort. J’ai ressenti une grande quantité de pensées, de tristesse, de chagrin et de prières. Je ressentais aussi les pensées de ma famille éloignée. Des gens que je ne connaissais même pas étaient affectés également, des membres de la communauté, des gens qui lisaient la nouvelle ou l’entendaient à la radio. D’une certaine façon, j’ai ressenti simultanément toutes les répercussions de ma mort. Chacune des pensées en tant qu’émotion individuelle, mais synthétisées d’une façon plus significative en un sentiment général. Ce n’était pas tellement un jugement sur la signification de ma vie, mais plutôt la manière dont moi et autrui ressentions mes actes au cours de la vie. « L‘autre » ne jugeait pas ces sentiments non plus, nous les vivions ensemble.

J’ai à nouveau pris conscience des pensées de « l’autre ». Il avait vécu ces émotions en même temps et de la même manière que moi. C’était comme si nous venions juste de voir un film ensemble et que nous discutions de nos sentiments à son sujet. Au lieu d’un film que nous aurions seulement visionné, c’était un film que nous avions ressenti. Je ne peux pas dire s’il s’agissait de Dieu, de mon guide spirituel, de Jésus ou d’un membre de ma famille. Mon sentiment à ce sujet, c’est qu’ils sont tellement similaires que ce n’est pas une étiquette vraiment pertinente à appliquer à cet « autre ». A ce moment là, cet « autre » donnait en fait plutôt l’impression d’être un ami très proche. Je peux dire avec certitude que cette voix et moi étions alors ensemble d’une façon très profonde, que nous avons été et serons toujours ensemble. Dans ce sens, cela cadre avec certaines choses que j’ai lues dans les écritures au sujet de Dieu. J’ai également lu des choses similaires au sujet des anges gardiens, des guides spirituels et du moi supérieur. Pendant cet échange je ne me préoccupais pas d’étiquettes.

Je dois tenter d’expliquer ce qui ne peut être exprimé par des mots. Cet endroit faisait partie de moi et moi de lui. Nous ne sommes pas et n’étions pas séparés, même alors que j’écris ces mots, des années après l’expérience, cet endroit et moi ne faisons toujours qu’un. L’expérience de s’y trouver correspond à exister en tant qu’amour, amour intérieur ne connaissant que l’amour. C’est comme si l’émotion d’amour est ce que j’ai toujours été à la fin et au commencement. L’amour est tout ce que j’ai été. Et, pour extrapoler cela à l’existence humaine, nous sommes tous reliés de cette manière, dans cet endroit qui est toute chose, toute personne, la vie est l’amour et l’amour est la vie. Chacun des atomes de l’univers est relié de cette façon.

Alors que je m’éloignais de mon corps en flottant, j’avais d’une certaine manière conscience des molécules d’air, pas d’une façon scientifique, mais dans le sens où il y avait un lien entre les molécules d’air et ce que j’étais devenu, ou plutôt, ce que j’avais toujours été. Dans ce cadre de pensée, je suis toujours relié à toute chose. Au cours de conversations au sujet de mon expérience j’ai également dit, et je continue de l’affirmer, que ce dont il s’agit réellement est bien plus grand que tout ce que j’ai vécu dans l’église, ou dans la littérature, quel que soit le support. Cela transcende la capacité de l’expression humaine. Dans ma conscience, j’en suis devenu ou redevenu une partie.

Après avoir résumé les sentiments d’une courte durée de vie, l’échange de pensées a continué. La question suivante a été introduite dans mon esprit : « Veux-tu rester ? ». La voix paraissait poser en fait de nombreuses questions simultanément. Dans cette question, j’ai décelé de très nombreux sens différents : « En as-tu terminé avec cette vie ? Veux-tu terminer la tâche que tu devais accomplir dans cette vie ? Veux-tu que tes proches subissent ce chagrin ? ». Tout cela a été demandé instantanément, en une seule pensée. Dans mon souvenir, le choix m’appartenait, dépendant totalement de mon libre arbitre. Mais j’ai aussi le sentiment que dans la question, les répercussions et les résultats de chaque décision étaient également connus. Les émotions et les conséquences de ma décision étaient ressenties pour chaque version de la question. Le sentiment de peine qu’éprouvait ma mère en apprenant ma mort dominait mes émotions. Cependant, quelque part sous cet écrasant sentiment de chagrin, se trouvait un sens du devoir et de la tâche à accomplir.

Bien que par certains côtés le dialogue et les images de cet échange semblent avoir été difficiles, je dois insister sur l’atmosphère de compassion et d’amour immenses dans laquelle a eu lieu l’échange. Ce fut en fait le moment le plus paisible et calme de ma vie. Je ne peux correctement exprimer à quel point cette expérience a été naturelle et bonne. Dans cet endroit, avec cet être, tout se passait mieux que bien. Acceptation et compréhension de tous mes sentiments étaient partagés instantanément avec cet être qui m’aimait inconditionnellement.

Tout ce qui a pu être demandé par ailleurs est perdu pour moi maintenant, mais ma réponse à la question a été : « Si je repars, pourrai-je revenir ici plus tard ? Est-ce que ce sera toujours ainsi ? » La réponse a été immédiate, apparemment j’avais décidé et le résultat a été instantané. J’avais un masque à oxygène sur le visage et je luttais pour me réveiller. Je sais qu’on prévoyait de démarrer la réanimation cardio-pulmonaire sur moi, je ne voulais pas qu’on le fasse car ma poitrine me faisait énormément souffrir à nouveau. Je me suis réveillé et un infirmier tenait un inhalateur d’ammoniaque sous mon nez, après avoir fait glisser vers le haut le masque à oxygène, recouvrant légèrement mes yeux. Je me suis éveillé dans une telle douleur que cela défie la description. J’ai faiblement émis un grognement affreux. Cette fois l’infirmier m’a entendu ; il a cessé de me poser la même question encore et encore. Il s’est enfin adressé réellement à moi. Je me souviens comme si c’était hier de son nouveau refrain, le reste de mon expérience est très net pour moi. Il a dit « Ne te rendors pas Mark. ». Tout le long de la route jusqu’à l’hôpital, il a répété cette antienne d’un ton très exercé.

L’oxygène était apparemment juste suffisant. En dépit du traumatisme au thorax, il me restait un bon poumon. Je pense que celui qui restait n’était pas suffisant pour me maintenir, à cause de la pression de l’articulation de l’épaule, avec hémorragie associée, sur ce « bon » poumon et les côtes. L’oxygène avait toutefois fourni à mon cerveau et mon sang, désespérément sous alimentés, le coup de pouce nécessaire pour rester en vie. L’infirmier m’avait sauvé de la mort, au cours des mois qui allaient suivre, j’allais pourtant regretter à la fois ses actes et ma décision. La douleur était revenue et prenait sa revanche.

Je ne me rappelle pas du moment où on m’a installé sur le brancard ; je crois que j’ai dormi pendant un instant. Mon souvenir suivant, c’est la neige qui tombait sur mon visage tandis qu’on m’emmenait en me tirant et en me portant dans la neige, de la maison vers l’ambulance. A un moment j’ai ressenti un violent sursaut, soit quand on m’a lâché, soit quand le brancard a heurté une grosse bosse.

Avec cette nouvelle douleur, j’ai juré à haute voix, je me souviens nettement de la réaction des infirmiers, c’était probablement la première fois qu’ils entendaient ma voix. Ils se sont arrêtés et l’un d’eux s’est penché sur moi, mettant l’oreille près de ma bouche. Je ne pense pas qu’il ait entendu autre chose car il a répété : « Comment ? » plusieurs fois. Le flou violet est revenu, j’ai regardé dans la tempête et je me suis senti partir à nouveau. Je crois que ce que je voulais lui dire, c’est que j’allais mourir s’ils me lâchaient à nouveau. En quelque sorte, je voulais lui faire savoir que j’étais en pétard et que j’allais partir s’il continuait à me faire mal. Toutefois aucun son n’a passé mes lèvres ; j’étais de nouveau occupé à quitter mon corps pendant qu’il collait l’oreille sur ma bouche.

Ils sont repartis. La douleur était incroyable. Quelques cahots plus tard, je me suis retrouvé dans l’ambulance. Normalement il faut au plus une demi-heure de trajet pour aller de Lake Forest à l’hôpital de Tahoe Forest à Truckee, mais ce jour là, le voyage a été long et affreux, il y avait le blizzard, l’ambulance avait des chaînes qui secouaient et agitaient mon corps fragile, tordu au delà du tourment. Tout le temps, mon ami infirmier me chantait son refrain : « Comment ça va Mark ? Il faut que tu reste éveillé pour moi, Ok mon gars, on est presque arrivés. ». Après environ une centaine d’autres : « Ne te rendors pas Mark ! », même l’autre infirmier s’y est joint, comme l’oxygène m’avait redonné la force de protester, je pense que j’ai réussi à dire : « Je n’ai pas mal quand je dors. », le chœur a alors entonné : « Il faut rester éveillé, d’accord mon gars. ». J’avais envie de prendre les chaînes de l’ambulance et d’étrangler les infirmiers avec, je voulais juste m’étendre dehors dans la neige. Je voulais dormir.

Ce type d’expérience était-il difficile à exprimer avec des mots ? Oui . L’amour et la compréhension écrasants, le type de communication semblable à la télépathie, la notion d’absence de continuum temporel, connaître les liens entre toute chose, la grande quantité de savoir présente dans un instant hors du temps, les souvenirs de « l’endroit » où je suis revenu, la connaissance des mécanismes de l’univers et de la vie. Tant de choses ont peu d’équivalents dans le langage.

Au moment de l’expérience y avait-il une situation menaçant votre vie ? Oui . J’étais écrasé entre une Jeep et un poteau téléphonique, j’avais subi un traumatisme étendu du thorax, des dommages internes, des fractures osseuses, des hémorragies et un peumo-thorax. Oh oui… une luxation du cou également… coup du lapin latéral, contusion de l’aorte possible.

A quel moment de l’expérience étiez-vous au niveau de conscience et de lucidité le plus élevé ? Pendant la conversation télépathique avec « l’Autre Etre», débattant pour savoir si j’allais rester ou revenir à la vie.

Comparez votre niveau d’état de conscience et de lucidité maximum pendant l’expérience et votre état de conscience et de lucidité habituel de tous les jours ? Plus conscient et lucide que d’habitude

Si votre niveau d’état de conscience et de lucidité maximum pendant l’expérience était différent de votre état de conscience et de lucidité de tous les jours, veuillez l’expliquer : l’existence en dehors des sens et du temps est difficile à expliquer. J’étais toujours moi, j’avais des souvenirs et une identité, mais je n’étais pas dans ce monde ni dans un corps. Mon esprit avait « fusionné » avec l’univers J’étais reparti d’où je venais, à « l’Endroit » où j’étais avant de naître. La vie normale de tous les jours implique le sens de la température, de la vue, de l’ouïe, du toucher, des vêtements, du vent… rien de tout cela n’était présent lors de ma période ailleurs.

Votre vue était-elle différente d’une manière quelconque de votre vue de tous les jours (sous tous les aspects tels que clarté, champ de vision, couleurs, luminosité, degré profond de perception de la massivité/transparence des objets, etc.)? Oui , c’était comme si je voyais l’air, j’ai la sensation de me rappeler du moment où j’ai flotté à travers le plafond. J’ai l’impression d’avoir vu les atomes, pas comme des solides, en fait je les ressentais également plus que je ne les voyais

Votre audition différait-elle de manière quelconque de votre audition normale (sous tous les aspects tels que clarté, capacité à identifier la source sonore, hauteur, force, etc.)? Oui , elle a changé, j’ai entendu une sorte de sifflement…il y a peut-être eu des craquements/froissements à la manière d’un journal froid qu’on froisse avant de le mettre dans un poêle à bois par un froid matin d’hiver. Ce son accompagnait ma prise de conscience du fait que j’étais hors de mon corps et le signe précurseur d’une sensation de déplacement.

Avez-vous vécu une séparation de votre conscience et de votre corps ? Oui

Quelles émotions avez-vous éprouvées pendant l’expérience ? Un amour extrêmement profond. J’ai aussi éprouvé de la tristesse et du regret pour certains évènements que « l’autre » et moi regardions alors que ma vie défilait, je devrais dire « ressentions », c’était comme regarder un film dans lequel on pourrait aussi éprouver tous les sentiments de toutes les personnes du film, ainsi que ceux des personnes (moi et « l’autre ») qui regardent ce film. Les émotions ressenties pendant le passage en revue de la vie ont constitué un facteur majeur de ma décision (ou « accord ») de repartir.

Etes-vous passé(e) dans ou avez-vous traversé un tunnel ou un espace fermé ? Incertain. Je dirais plutôt que c’était une déformation. C’était comme si le monde s’était éloigné de moi en s’étirant, comme si j’avais été sur le pilier central d’un grand chapiteau qui ne cesserait de s’élever, donnant aux parois de toile un angle de plus en plus aiguë, s’étirant infiniment en une longue ligne.

Avez-vous vu une lumière ? Incertain. J’ai vu fuser des rayons violets, j’ai toujours pensé qu’il pouvait s’agir d’une déformation de la tempête de neige ou de l’atmosphère au cours du « mouvement rapide » après avoir quitté la scène du corps et des infirmiers. Depuis, j’ai vu plusieurs fois une lumière « bleue/blanche » sur 360 degrés.

Avez-vous rencontré ou vu d’autres êtres ? Incertain. Il y avait la présence de « l’autre » mais je ne crois pas l’avoir regardé ou je ne m’en souviens pas. Toutefois nous avons communiqué tout à fait efficacement sans stimulus visuel. J’ai vu depuis une grande quantité d’entités, certaines pourraient êtres décrites comme des anges (formes humaines avec des ailes) et d’autres que j’appellerais « créatures ».

Avez-vous revu des évènements passés de votre vie ? Oui

Avez-vous observé ou entendu, pendant votre expérience, quoi que ce soit, concernant des personnes ou des évènements et qui a pu être vérifié par la suite ? Incertain. Activités des infirmiers, le policier et le conducteur qui se tenaient hors de mon champ visuel, je n’ai rien vérifié de tout cela.

Avez-vous vu ou visité des lieux, niveaux ou dimensions admirables ou particuliers ? Oui . Un voyage incroyable vers les mécanismes internes de l’univers, je suis devenu toute chose. J’étais au paradis tel que certains l’ont décrit… Je dis que je suis reparti d’où je venais.

Avez-vous ressenti une modification de l’espace ou du temps ? Oui . Tous les points du temps existaient simultanément. Dans un sens il n’y avait pas de temps, le temps n’avait pas de sens, cependant il y avait une notion d’endroit où le temps existait bien, mais pour ces moments en dehors, dans « l’endroit » avec « l’autre », il n’y avait pas de temps, cette question n’est pas pertinente.

Avez-vous eu le sentiment d’avoir accès à une connaissance particulière, à un sens et / ou à un ordre de l’univers ? Oui . Je savais tout. Tout ce qui a existé ou existera jamais faisait partie de moi et vice versa.

Avez-vous atteint une limite ou une structure physique de délimitation ? Incertain. Cela ne se présentait pas comme une limite physique, je pense cependant que si je m’étais attardé, cela aurait pu le devenir. On m’a simplement donné le choix, mais la décision se basait sur de nombreux facteurs. Tout d’abord, on m’a montré un passage en revue de ma vie, ce qu’allait être les réactions, si je restais, de tous ceux qui me connaissaient, puis un passage en revue similaire de ce que j’allais rencontrer en revenant. Je ne suis toutefois pas certain qu’on m’ait autorisé, dans l’option du retour, à me souvenir de nombre de choses qui m’ont été présentées… cela ressemble à un mauvais roman de science-fiction mais les choses semblent être ainsi.

Avez-vous pris connaissance d’évènements à venir ? Incertain. Je crois que je sais de très nombreuses choses, mais je ne m’en souviens pas facilement. J’ignore pourquoi, aléatoirement des évènements paraissant insignifiant sont révélés en séquences bizarres…peut-être sans autre motif que de me rappeler que tous les points du temps coexistent quelque part, toutefois l’accès dont je dispose semble être aléatoire.

Suite à votre expérience, avez-vous eu des dons spéciaux, paranormaux, de voyance ou autre, que vous n’aviez pas avant l’expérience ? Oui , beaucoup et qui persistent ; Fantômes (vus par toute la famille) Monstres (vus par toute la famille) Visions extraordinaires (à l’état de veille en méditation) Perceptions extra sensorielles, capacité à lire les pensées ou à savoir ce qu’une personne va dire avant qu’elle ne le fasse, savoir lorsque les gens mentent, etc. Avoir des visions d’évènements à venir très aléatoires et imprévisibles mais tout à fait réels. Perception empathique, éprouver les sentiments d’autrui. Capacité à accomplir certains types de guérison (difficile à gérer) Capacité à arrêter mon cœur par la pensée. Capacité à influencer le fonctionnement de machines Capacité à détecter l’électronique Capacité à ressentir un flux d’électrons Vision d’anges lors de méditations Vision de constellations avec les yeux fermés lors de méditations Immersion dans la Lumière Bleue - Blanche lors de méditations. Capacité à voir le tunnel Capacité de communication par télépathie, j’appelle ma fille en pensée, elle répond oralement : « Comment ? Tu m’as appelée, papa ? » Vision à distance, capacité de dessiner ce que d’autres voient. Etc., etc.

Avez vous raconté cette expérience à d’autres personnes ? Oui . Seulement après quelques semaines. Je me préoccupais surtout de la douleur et de la guérison, j’avais peu de relations avec les amis et la famille, qui plus est perturbées par la morphine, les médicaments et la souffrance. Les premières réactions ont principalement été négatives, personne ne savait de quoi je parlais, on pensait probablement que j’étais fou. Certains ont été stupéfaits et intéressés, mais pour la plupart d’entre eux, je suis incertain.

Connaissiez-vous les expériences de mort imminente (EMI) avant votre expérience ? Non

Comment considériez-vous la réalité de votre expérience peu après qu’elle ait eu lieu (quelques jours ou semaines) : l’expérience était probablement réelle. Je souffrais tant, la morphine et le Demorral m’embrouillaient la tête. Cela FAIT TELLEMENT MAL de revenir, des décennies plus tard, je ressens toujours la douleur.

Y a-t-il eu une ou plusieurs parties de l’expérience particulièrement significative(s) ou avec une valeur spéciale pour vous ? Le lien avec toute chose est stupéfiant… si quelque chose est vraiment sacré dans cet univers, alors c’est cela. Une affirmation que j’ai exprimée de nombreuses manières est celle-ci : ce qui se passe en réalité, dépasse de beaucoup toutes les œuvres religieuses, de fiction ou imaginaires produites par l’esprit humain et dont j’ai connaissance. Ce qui nous arrive vraiment, la vie et nos âmes est éternel, infini et divin. Cela défie toute description.

Comment considérez-vous actuellement la réalité de votre expérience : l’expérience était tout à fait réelle. Après avoir fait des recherches, comparé des notes, avoir parlé et écouté chez IANDS et sur le net, après tous les phénomènes dans lesquels des proches et moi-même avons été personnellement impliqués… je sais que c’est la réalité. Je sais de plus que je suis censé en parler.

Vos relations ont-elles changé spécifiquement à cause de votre expérience ? Oui . J’ai un amour universel profond pour l’humanité et un sens de la fraternité et du lien avec les hommes et la vie en général… bien que j’aie peut-être eu le sens de ces choses avant, c’est devenu significativement différent depuis que j’en ai appris les raisons et l’importance. Je ne le vis pas aussi bien que je le voudrais, mais je m’y efforce.

Vos croyances/pratiques religieuses ont-elles changé spécifiquement à cause de votre expérience ? Oui . ENORMEMENT. Je crois qu’il existe de nombreux chemins dans la vie pour rechercher le savoir divin, j’ai par contre des difficultés à pratiquer une des religions institutionnelles. Je pense que j’ai plus la foi et que je prends plus au sérieux Dieu, l’Ame et la divinité que ne le font les rédacteurs et les ecclésiastiques des religions du monde. Ma foi provient de ce que je crois être l’expérience directe du fonctionnement interne du tissu divin de Dieu, qui est l’existence même. C’est un peu difficile à conceptualiser en s’endimanchant un matin par semaine.

Après l’expérience, d’autres éléments dans votre vie, des médicaments ou des substances ont-ils reproduit une partie de l’expérience ? Non, sauf en méditation où certaines visions paraissent similaires, mais c’est différent de ne pas respirer.

Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ajouter au sujet de l’expérience ? Toute vie se termine par la mort… il ne faut pas redouter cela… est-ce Peter Pan qui a dit : « Mourir est la plus grande des aventures. ». Vous entreprendrez tous ce périple. Au moment de votre mort, abandonnez la peur et prenez plaisir au voyage.

Les questions posées et les informations que vous venez de fournir décrivent-elles complètement et avec exactitude votre expérience ? Oui . Tout à fait… je suis en train d’écrire un livre, nécessaire pour entrer dans les détails. Imaginez que si tout ce que j’ai dit est vrai, alors pour l’expliquer en détail… il faut bien un livre. Lorsque j’aurai plus de temps, j’aimerais rédiger mieux l’expérience décrite dans la question N° 3 ci dessus.

Y a-t-il d’autres questions que nous pourrions poser afin de vous aider à exprimer votre expérience ? Certaines questions comportaient plusieurs réponses s’appliquant à mon cas.